Adapter l'irrigation pour préparer l'agriculture indienne au changement climatique
AICHA

Adapter l’irrigation pour préparer l’agriculture indienne au changement climatique

En Inde, la recherche d’une sécurité alimentaire s’appuie sur l’irrigation des cultures. Depuis 30 ans, l’augmentation des surfaces irriguées repose essentiellement sur le développement des pompages d’eau souterraine. Mais cette ressource est menacée : les prélèvements pour l’irrigation ne permettent pas son renouvellement. Que se passera-t-il sous un climat encore plus chaud ? Le projet AICHA a modélisé le fonctionnement hydrique, économique et agronomique d’un bassin versant pour identifier les systèmes de production les plus durables, ainsi que des pistes de régulation possibles.

OBJECTIFS

« Après la révolution verte des années 1970, où l’utilisation des intrants a permis l’accroissement de la production agricole, l’agriculture indienne connaît une seconde révolution dans les années 1990, avec les réformes économiques et l’explosion de l’irrigation individuelle par pompage. Aujourd’hui, 20 à 30 % de l’électricité produite par le pays sert à pomper l’eau directement dans les nappes pour les besoins d’irrigation », explique Laurent Ruiz de l’UMR SAS de Rennes, porteur du projet « AICHA : adaptation de l’agriculture irriguée au changement climatique en Inde » aux côtés d’Alban Thomas de l’UMR TSE-R de Toulouse et du Pr M. Sekhar de l’Indian Institute of Science à Bangalore. Les cultures pluviales sont alors délaissées par les producteurs au profit des cultures de rente irriguées : canne à sucre, riz, épices et légumes. Le niveau des nappes diminue très rapidement et leur qualité se dégrade considérablement. Le projet vise à déterminer quels systèmes de culture pourraient garantir une productivité agricole sans dégrader la ressource hydrique, dans le contexte du changement climatique.

Un laboratoire d’observation de 80 km²

Adapter l'irrigation pour préparer l'agriculture indienne au changement climatique
© INRAE

« La question était de savoir dans quelle direction nous emmenait cette politique d’irrigation massive : vers un épuisement total de la nappe ? Fallait-il revenir aux cultures pluviales et dégrader la rentabilité des exploitations agricoles ? Nous avions besoin de comprendre la dynamique de réponse des producteurs à cette situation », poursuit le chercheur. Les outils sont rapidement mis en place. Un bassin versant de 80 km², comprenant 12 villages, est identifié pour réaliser les observations : enquêtes, suivis du niveau de la nappe phréatique et des pratiques culturales. Pour valoriser ces données, les équipes d’AICHA créent un modèle intégré qui reproduit les choix économiques des agriculteurs, l’hydrologie du bassin versant et les pratiques culturales. L’outil permet aussi de simuler l’impact de politiques de gestion de l’eau au niveau du bassin versant.

Irriguer uniquement en saison des pluies

« Lorsque les premiers résultats de simulations sont tombés, ils étaient décevants. Aucun scenario ne permettait d’assurer l’irrigation à tous les agriculteurs, avec les systèmes de culture existants. La mise en place, comme en France, de quotas d’irrigation risquait de pénaliser encore plus les agriculteurs, qui seraient contraints de revenir à l’agriculture pluviale. Du fait de leur niveau d’endettement, ils seraient alors menacés de faillite », explique Alban Thomas. L’idée vient alors d’inverser le raisonnement et de concevoir des systèmes et pratiques agricoles fondés sur l’adaptation des exploitations à la zone et au climat. « Il pleut environ 800 mm par an et l’évapotranspiration potentielle est en moyenne de 1500 mm par an : quelques soient les techniques culturales, si on cultive toute l’année, le bilan hydrique est négatif ! » poursuit Laurent Ruiz. En revanche, en adaptant les rotations des cultures au climat, et en utilisant l’irrigation uniquement en saison des pluies, pour sécuriser les rendements quand ces pluies sont insuffisantes, les résultats sont tout autres, comme le précise le chercheur : « Les sorties du modèle suggèrent que la production agricole et le revenu de l’exploitation restent équivalents, tout en maintenant un niveau d’eau raisonnable dans la nappe phréatique ».

Contacts scientifiques

thomasweb

Alban Thomas

UMR TSE-R, INRAE Toulouse

Laurent Ruiz

INRAE, UMR SAS de Rennes, mis à disposition de l’IRD

                                    

sekharwebportrate

Pr Muddu Sekhar

Indian Institute of Sciences, Bangalore, Inde

Voir aussi